24 mai 2007

Encore un commentaire sur la photo officielle

Je partage une grande partie de l'analyse faite par Jacques Mazérat dans Libération :

Voici ce qu'il en dit, bravo pour son analyse.
Et vous, qu'en pensez-vous?

«Après l’homme à l’oreille coupée de Van Gogh, voici l’homme à l’oreille blanche de je ne sais qui.»

"L’impression de malaise que m’a laissé la photo de Nicolas Sarkozy, notre nouveau Président de la République, m’a conduit à en faire une analyse. La photo mélange les plans, ce qui fait obstacle à sa lisibilité. Le personnage, qui devrait être le sujet central de cette image, se trouve dans le même plan que les deux drapeaux. La manche droite de la veste du président est légèrement recouverte par le drapeau, à la hauteur du poignet. La taille des drapeaux, leur couleurs et leur position en font le sujet le plus marquant de cette image. Non seulement leur importance est démesurée, mais encore, mis côte à côte comme ils l’ont été, ils donnent l’impression qu’il s’agit d’un seul drapeau dont une face serait bleu-blanc-rouge et l’autre bleu parsemé d’étoiles. J’imagine que ce n’est pas ce qu’à souhaité le Président. Maintenant si on observe le personnage, on remarque un gros défaut d’éclairage. L’ombre portée du nez détermine une plage noire qui cache la lèvre supérieure jusqu’au sillon naso-génien.

Ce même éclairage qui vient de la gauche, et là pour un président qui manipule les symboles c’est la boulette, l’oblige à fermer légèrement les yeux, ce qu’il essaye de compenser en relevant les sourcils. On voit ainsi que le sourcil droit est plus relevé que le gauche. La conséquence est que l’image fait apparaître des yeux différents et d’ouverture inégale, quelque chose comme une coquetterie à l’œil. Petit détail sans importance. Par contre le fait qu’on ne distingue pas bien son regard est plus grave. En effet la confiance, la franchise, passent par le regard, et là ça ne passe pas. Poursuivons l’analyse de l’éclairage. Nous nous rendons compte qu’il confère une tonalité trop claire à l’oreille gauche du Président, et la fait ressortir plus que nécessaire, d’autant que l’arrière plan à cet endroit a la couleur bordeaux de la reliure des livres se trouvant sur les rayonnages de la bibliothèque. Après l’homme à l’oreille coupée de Van Gogh, voici l’homme à l’oreille blanche de je ne sais pas qui. C’est dommage qu’il s’agisse du Président de la République.

Passons à l’arrière plan. Il est trop proche du sujet, à ce titre il ne joue pas son rôle d’arrière plan qui aurait dû être de mettre le sujet en valeur. Cette proximité nuit au sujet, comme nuit la taille des drapeaux. En effet, le rapport entre la taille des livres est celle du Président n’est pas en faveur de celui-ci. Au niveau de l’oreille droite, un livre, posé de face sur le rayonnage, fait apparaître un blason. Drôle de bévue pour une photo républicaine. La recherche d’un air sérieux a conduit le photographe à retenir une image où l’on voit le président contenir un léger sourire par une crispation, bien apparente, des muscles de la bouche et des lèvres. Ces dernières sont rectilignes et étroites, ce qui nuit à l’expression. Le choix de la veste relativement fermée, celui de la chemise à carreaux bleus pales et blancs, enlèvent toute solennité à cette image. Là non plus, ce n’était pas le but recherché. La construction d’une image doit répondre à une syntaxe, l’oublier conduit à des contresens pesants. Ce qui m’ennuie, ce n’est pas d’avoir un Président pour lequel je n’ai pas voté, cela m’était déjà arrivé et m’arrivera sans doute encore, mais bien plus de savoir que la photo qui va représenter la France à des milliers d’exemplaires est une «cagade». Photographe amateur, et amateur de photos, je n’aurais jamais osé présenter une telle photo.

Jacques Mazérat (Toulouse)

http://www.liberation.fr/interactif/contrejournal/courrierweb/255903.FR.php


Merci Catherine

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