11 mai 2007

Une plaidoirie au soleil

Dominique Dhombres écrit un article caustique dans Le Monde sur l'escapade maltaise de Sarkozy:

"Personne n'a rien compris, en réalité, à la courte croisière de Nicolas Sarkozy sur le yacht de Vincent Bolloré. C'était un acte citoyen, presque une mission de salut public ! La preuve en était donnée au hasard d'une phrase prononcée par l'intéressé, en tenue de jogging, sous le soleil de Malte. "Je veux que reviennent en France tous ceux qui ont les moyens pour investir dans l'économie et créer des emplois", disait-il. On pouvait voir la scène dans le journal télévisé du soir, mercredi 9 mai, sur France 2. Dès lors, tout s'éclaire ! Il faut vraiment être la proie de la jalousie la plus jaune et la plus bilieuse pour ne pas comprendre. Nicolas Sarkozy donne de sa personne. Il se dévoue opportunément pour persuader de revenir en France tous ces vaillants entrepreneurs émigrés à l'étranger contre leur gré, tous ces capitalistes débordant d'énergie exilés bien malgré eux, poursuivis par le fisc, et qui n'attendaient que ce signal.

Prenez l'exemple de Johnny ! Il avait annoncé qu'il s'installait en Suisse. Il va rentrer en France, rassuré qu'il est par l'élection de son ami Nicolas. A moins qu'il ne change d'avis encore une fois. On se moque ? On a surtout l'impression que le président élu nous prend pour des billes. Il avait d'abord été question d'une retraite austère et solitaire à la manière des messieurs de Port-Royal. Cela tourne à la croisière de luxe sur le yacht d'un milliardaire, avec aller et retour dans l'avion privé du même milliardaire. Pour couronner le tout, cette croisière est finalement écourtée, n'en déplaise à tout ce qu'il peut raconter ("Je n'ai pas l'intention de m'excuser") en raison du malaise qu'elle suscite dans l'opinion. Nicolas Sarkozy est avocat de profession. Il est bien placé pour savoir qu'on ne peut pas impunément énoncer des arguments contradictoires. Il voulait méditer seul avec lui-même pour se préparer à ses nouvelles fonctions. Il voulait se reposer. Il voulait donner à sa famille ("avec tout ce qu'elle a subi") des vacances tranquilles. Depuis vingt ans que celui-ci le lui demande, il voulait faire plaisir à Vincent Bolloré en acceptant son invitation. Et, maintenant, c'est encore autre chose : il veut faire revenir les investisseurs ! L'ultime argument de cette plaidoirie improvisée à la va-vite sous le soleil maltais est peut-être le plus faible de tous.

"Cela n'a pas coûté un centime au contribuable", dit-il. Ce n'est pas le problème ! La question n'est pas de savoir si le contribuable est censé être reconnaissant à M. Sarkozy de n'avoir pas dépensé de l'argent public avant d'accéder à la plus haute fonction du pays. Le style, c'est l'homme. Cette escapade de luxe et la plaidoirie baroque qui l'accompagne donnent une idée de ce qui nous attend."

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